juil 2025

Prix négatifs : Renforçons l’électrification et la flexibilité

L’essor rapide des énergies renouvelables transforme en profondeur le marché électrique européen. Ces derniers mois, le nombre d’heures avec des prix de gros négatifs s’est envolé. À la mi-juillet, la France a déjà battu son record annuel : 368 heures d’électricité à prix nul ou négatif enregistrées depuis le début de l’année 2025.

Image illustrant un barrage hydraulique

Introduction

Face à ce constat, le cabinet Sia a publié un article présentant les raisons de ce déséquilibre et des pistes concrètes pour y faire face. Datanumia s’est entretenu avec Camille Marzuoli, Partner Energy & Utilities au sein du cabinet et expert smart grids, pour décrypter ces signaux qui révèlent un système électrique resté trop rigide, qui n’a pas su s’adapter au rythme de la transition énergétique. 

« Les prix négatifs ne sont pas la maladie mais le symptôme, ils reflètent un rythme de développement des flexibilités et de l'électrification des usages qui est légèrement en retard par rapport au rythme de développement des moyens de production renouvelables. » résume Camille Marzuoli  

Selon lui, pour les producteurs, les gestionnaires de réseau, les entreprises et même les particuliers, l’enjeu n’est plus de débattre de la légitimité des énergies renouvelables, mais de bâtir un système électrique flexible, capable d’absorber ces nouvelles dynamiques. 

Un système électrique bousculé par l’intermittent

Le système électrique a été conçu dans un monde où l’offre provenait de grandes centrales pilotables, capables d’ajuster leur production en fonction d’une demande relativement prévisible.  

L’irruption massive des énergies renouvelables est venue bouleverser cet équilibre :  

  • D’abord, par leur intermittence, car le soleil et le vent ne se plient pas aux besoins du réseau, injectant leur production selon la météo et non selon la demande, ce qui complexifie l’équilibrage du système. 
  • Ensuite, par leur injection décentralisée, puisque les producteurs d’énergie renouvelable sont dispersés sur le territoire, avec des milliers de points d’injection dans les réseaux locaux, ce qui bouscule le pilotage historiquement centré sur quelques grandes centrales.
  • Enfin, l’électricité produite par le solaire et l’éolien bénéficie d’un coût marginal quasi nul, ce qui lui donne la priorité d’injection sur le réseau une fois les installations construites. Lorsqu’elle est abondante, cela fait mécaniquement baisser les prix sur le marché de gros.  

Des ajustements réglementaires, comme le passage à un pas de règlement des écarts de 15 minutes depuis janvier 2025, ont apporté de la finesse dans le pilotage, mais cela reste insuffisant face à l’ampleur du changement.  

La mécanique des prix négatifs

Les épisodes de prix négatifs surviennent lorsque l’offre d’électricité dépasse la demande à un instant donné. Comme l’électricité se stocke difficilement à grande échelle, elle doit être consommée immédiatement, quitte à être « vendue » à perte lorsque les prix deviennent négatifs. Dans ces situations, les fournisseurs, grands sites industriels, opérateurs de STEP (Stations de Transfert d'Énergie par Pompage) ou voisins européens capables d’adapter leur consommation sont alors rémunérés pour absorber cette énergie excédentaire 

Il faut également rappeler que pour certaines installations de production, les coûts d’arrêt et de redémarrage peuvent être significatifs. Il leur est alors parfois moins coûteux de continuer à produire, même s’il faut « payer » pour écouler leur électricité, plutôt que de stopper leur production temporairement. 

Ce phénomène est accentué par la faible participation des moyens de production renouvelables aux mécanismes d’ajustement et par l’incitation, encore trop présente, via les contrats d'obligation d'achat, à injecter de l’électricité même lorsque le système n’en a pas besoin.

Même si le nombre d’heures de prix négatifs augmente de manière exponentielle, Camille Marzuoli précise qu’il faut “remettre en perspective la question des prix négatifs par rapport aux volumes échangés : les marchés spots ne voient passer qu'une partie des volumes d'énergie, une plus grande partie étant achetée et vendue sur les marchés à terme. » 

Toutefois, pour le parc nucléaire, cette situation est particulièrement délicate : poursuivre la production dans ces périodes entraîne des pertes financières ou des arrêts coûteux en usure et en redémarrage, la CRE estimant à 80 millions d’euros les pertes associées aux heures de prix négatifs sur le premier semestre 2024 pour les installations concernées. 

Cette surproduction pèse également sur les finances publiques lorsque des aides continuent à être versées, même pendant les périodes de prix négatifs, alourdissant le coût de soutien aux énergies renouvelables.  

Image illustrant l'évolution du nombre d’heures à prix négatifs par an en France

Évolution du nombre d’heures à prix négatifs par an en France (source : EPEX SPOT) 

Rendre le marché plus flexible

Longtemps, les producteurs d’énergies renouvelables ont évolué dans un cadre où la sécurité des revenus primait sur l’adaptation au marché. Les mécanismes d’obligation d’achat à tarif fixe ont été essentiels pour le développement rapide des filières renouvelables, mais ils ont aussi encouragé l’injection continue sans prise en compte des besoins réels du système.  

Depuis 2016, le passage aux compléments de rémunération a enclenché un mouvement vers une meilleure exposition au marché, avec des compléments suspendus lors des périodes de prix négatifs ou des incitations à cesser l’injection au-delà d’un certain seuil d’heures négatives. 

Ces évolutions se poursuivent. En avril 2025, des avenants aux contrats des parcs éoliens offshore ont, par exemple, permis à certains d’entre eux de participer aux mécanismes d’ajustement, une avancée symbolique vers un modèle plus flexible. Pourtant, tant que l’ensemble des acteurs ne s’adapte pas, les risques de dérèglement du marché resteront élevés, et le virage vers la flexibilité sera subi plutôt qu’anticipé.

La flexibilité, un impératif pour les producteurs et les consommateurs

Les prix négatifs démontrent qu’il est désormais indispensable d’intégrer la flexibilité dans les stratégies des producteurs et des consommateurs. « L'activation des flexibilités est indispensable pour tirer pleinement partie des moyens de production EnR et optimiser les investissements. » souligne Camille Marzuoli 

Pour les producteurs, cela implique d’intégrer la flexibilité dès la conception des projets. L’hybridation des moyens de production avec des batteries, le couplage avec des installations industrielles via des PPA flexibles, ou encore la participation aux mécanismes d’ajustement ne doivent plus être réservés à une minorité de projets pilotes. Ces solutions répondent à un double enjeu : capter les signaux économiques du marché et contribuer à la stabilité du système électrique. 

Mais face à ces bouleversements, la flexibilité doit aussi venir de la demande. Aujourd’hui, la consommation d’électricité reste globalement rigide, calquée sur les habitudes des particuliers et les besoins de continuité des entreprises, sans lien direct avec les périodes où l’électricité est la plus abondante et la moins chère.  

Pourtant, consommer lorsque le vent souffle ou que le soleil brille permettrait de valoriser cette électricité disponible à bas coût tout en soulageant le réseau. Cela implique de développer les usages flexibles des entreprises et des particuliers, comme le pilotage de la recharge des véhicules électriques, l’ajustement temporaire de certains process industriels ou encore le déclenchement différé du chauffage ou de la climatisation.  

« Plusieurs gisements existent déjà et peuvent être beaucoup mieux exploités. Par exemple, les 300 000 bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² représentent à eux seuls un gisement de flexibilité de l’ordre de 2,5 GW au quotidien et jusqu’à 6,3 GW en situation exceptionnelle. » indique l’expert du cabinet Sia. 

Cette flexibilité de la demande est un levier clé pour stabiliser le système, éviter les prix négatifs et maximiser l’utilisation des énergies renouvelables, à condition d’adapter les signaux tarifaires et les outils numériques pour inciter et automatiser ces décalages de consommation. 

Conclusion 

Les prix négatifs sur le marché de l’électricité sont le symptôme d’un système à moderniser, non d’une dérive à combattre. Ils révèlent que l’intermittence et la volatilité deviennent la norme, et qu’il est indispensable d’adapter nos modes de production et de consommation pour accompagner cette transformation.

Pour continuer à se développer dans ce nouveau marché, les producteurs d’énergies renouvelables doivent anticiper et intégrer dès maintenant les leviers de flexibilité dans leur stratégie : moduler, stocker, valoriser différemment leur production ou participer aux mécanismes d’ajustement. De leur côté, les consommateurs, qu’ils soient des entreprises ou des particuliers, doivent être incités à consommer au bon moment, lorsque l’électricité est abondante et décarbonée.

Chez Datanumia, nous accompagnons les entreprises, les collectivités et les clients particuliers des fournisseurs d’énergie pour optimiser leur consommation, réduire leur facture énergétique et leur empreinte carbone. Nous mettons nos données, nos algorithmes et notre expertise au service d’une flexibilité profitable et durable, permettant à chaque acteur du système énergétique de s’adapter avec agilité aux signaux du marché tout en contribuant activement à la décarbonation.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les enjeux des prix négatifs de l’électricité, vous pouvez consulter l’article complet publié par le cabinet Sia.

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