fév 2025

France vs Grèce : analyse comparative des orientations énergétiques

Dans cet article, nous nous penchons sur les similitudes et les différences entre ces deux pays, en mettant en lumière les grands défis et opportunités pour chacun d’eux.

Image illustrant la France et la Grèce

Introduction

Sous l’effet combiné des pressions environnementales, des avancées technologiques, des contraintes économiques et des réglementations communautaires, le secteur de l’énergie en Europe est en pleine mutation. La France et la Grèce, bien que toutes deux intégrées au marché européen, présentent des spécificités liées notamment à leur mix énergétique, leurs infrastructures et leurs politiques publiques.  

Mix énergétique : deux trajectoires distinctes

  • Le mix énergétique français : le poids du nucléaire 

 
La France est largement reconnue pour son recours massif à l’énergie nucléaire, qui couvre environ 40 % de sa consommation d’énergie primaire et près de 70 % de sa production d’électricité. Cette stratégie, initiée dans les années 1950 et concrétisée dans les années 1960 et 1970, vise à garantir l’indépendance énergétique et la sécurité d’approvisionnement du pays. 

Cependant, les énergies fossiles, principalement le pétrole et le gaz naturel, représentent encore environ 45 % de la consommation d’énergie primaire du pays. Face à l’urgence climatique, la France ambitionne de réduire ses émissions de CO₂ en relançant ses investissements dans le nucléaire, notamment dans de plus petites unités de production (Small Modular Reactors) tout en accélérant le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire, et hydraulique). À ce jour, ces énergies renouvelables comptent pour environ 15 % du mix énergétique. 

Répartition de la consommation d’énergie primaire par énergie en France

Répartition de la consommation d’énergie primaire par énergie en France 

  • Le mix énergétique grec : une transition encore en cours 

 
En Grèce, le mix énergétique reste historiquement dominé par le pétrole, le gaz naturel et le lignite (charbon), qui représente encore 78 % de la consommation d’énergie primaire. L’électricité, qui constitue environ 27 % de la consommation finale d’énergie, est produite à parts égales entre les combustibles fossiles et les énergies renouvelables. 

Ces dernières années, la Grèce a considérablement accéléré sa transition énergétique, notamment avec une montée en puissance de l’éolien et du solaire. Le pays s’est fixé pour objectif ambitieux de produire 80 % de son électricité grâce aux énergies renouvelables d’ici 2030, soit une hausse de 30 points par rapport à aujourd’hui. En 2015, elles représentaient moins de 30 % de la production électrique, témoignant des progrès rapides déjà réalisés. 

Répartition de la consommation d’énergie primaire par énergie en Grèce

Répartition de la consommation d’énergie primaire par énergie en Grèce 

Consommation par habitant : avantage Grèce ; empreinte carbone : avantage France

  • Une consommation par habitant en faveur de la Grèce 

 

Avec ses 68 millions d’habitants, la France se positionne parmi les pays les plus peuplés d’Europe. La population grecque, estimée à 10 millions d’habitants, est près de sept fois inférieure. Cette disparité se reflète également dans les niveaux de consommation énergétique des deux pays : 305 TWh en Grèce contre 2 523 TWh dans l’Hexagone, en 2023, selon l’Energy Institute. 

Au-delà de cette différence logique relative à la taille de chaque pays, la Grèce affiche une consommation d’énergie primaire par habitant relativement faible pour un pays européen, estimée à 29,5 MWh en 2023, en recul de 2 % par rapport à 2013. Ce chiffre est 15 % inférieur à la moyenne de l’Union européenne et 21 % en dessous de celui de la France, qui atteint 37,1 MWh par habitant. 

Cette différence s’explique notamment par les types d’énergies consommées. En effet, comme nous l’avions mentionné dans un de nos précédents articles, les énergies fossiles sont directement utilisables pour des usages comme le transport ou le chauffage, tandis que l’électricité nécessite une transformation de matière première en énergie électrique. Le fort pouvoir calorifique du pétrole et du gaz naturel en fait donc des énergies primaires très efficaces, mais aussi très polluantes.  

De plus, les difficultés économiques rencontrées par les ménages grecs les obligent à réduire au mieux leur consommation. Il s’agit d’une sobriété subie qui réduit, certes, la consommation par habitant, mais illustre surtout la problématique de la précarité énergétique dans le pays.  

Enfin, les températures plus clémentes en Grèce, en particulier l’hiver, ont un impact positif sur la consommation énergétique, avec un recours au chauffage bien moins important, même si elle est en partie contrebalancée par une consommation plus importante pour la climatisation l’été.  

 

  • Un mix énergétique français avantageux sur le bilan carbone 

 

En examinant les émissions de gaz à effet de serre, la situation s’inverse. Grâce à un mix énergétique largement décarboné, porté par le nucléaire, la France émet sur le plan énergétique 3,9 tonnes de CO₂ par habitant en 2022. En comparaison, la Grèce, avec un mix encore dominé par les combustibles fossiles, affiche des émissions de 4,79 tonnes de CO₂ par habitant, supérieures de 22 % à celles de la France mais inférieures de 19 % à la moyenne européenne du fait de ses efforts récents dans le développement des énergies renouvelables. 

Ainsi, bien que la France consomme davantage d’énergie par habitant, son mix énergétique décarboné lui permet de maintenir un bilan carbone plus faible, soulignant l'importance, pour des pays comme la Grèce, de réduire fortement les dépendances aux combustibles fossiles. 

Des acteurs dominants : EDF en France et DEI en Grèce

En France, EDF demeure l’acteur historique et prédominant dans la production et la fourniture d’électricité. De manière similaire, en Grèce, DEI (ΔΕΗ), occupe une place centrale en tant que producteur et fournisseur historique. La majorité des Grecs continuent de souscrire à cette compagnie publique, en partie privatisée depuis 2012, pour leur contrat d’énergie.  

Toutefois, ces dernières années, de nombreux consommateurs se sont tournés vers des fournisseurs indépendants offrant des tarifs plus compétitifs et davantage de services. Parmi ces nouveaux entrants figurent des acteurs tels que Protergia, Elpedison, Heron, ou NRG, qui contribuent à dynamiser la concurrence sur le marché grec de l’électricité. 

Prix de l’énergie compétitifs

Le prix de l'électricité et du gaz en Grèce et en France demeure globalement inférieur ou égal à la moyenne européenne. Au premier semestre 2024, le prix de l'électricité en Grèce est environ 22 % plus bas qu'en France et 25 % inférieur à la moyenne européenne. L'écart est encore plus marqué pour le gaz, avec un prix 39 % inférieur à celui de la France et 35 % en dessous de la moyenne de l'Union européenne. 

Electricité (c€/kWh) 

  • France : 27,76
  • Grèce : 21,73
  • Union Européenne : 28,89

 

Gaz (c€/kWh) 

  • France : 11,81
  • Grèce : 7,22
  • Union Européenne : 11,04

 

Prix moyens du kWh d’électricité et de gaz pour les clients résidentiels (incluant les taxes et prélèvements) relevés au premier semestre 2024 (Eurostat) 

 

  • En France : des prix historiquement stables 

 

En France, grâce aux tarifs réglementés et à une politique énergétique axée sur le nucléaire, les prix de l’électricité ont historiquement été relativement bas et stables. Toutefois, la récente crise énergétique a mis ce modèle à rude épreuve. Pour protéger les consommateurs de la flambée des prix, l’État a instauré un bouclier tarifaire, un dispositif qui a coûté plusieurs milliards d’euros, mais qui a permis de limiter les hausses pour les ménages. 

 

  • En Grèce : le recours massif aux subventions 

 

En Grèce, le prix de l’énergie est fortement influencé par les fluctuations des marchés internationaux, en raison de la forte dépendance du pays aux importations de gaz naturel. Pour atténuer l’impact de la crise énergétique, le gouvernement grec a eu recours à des subventions massives pour réduire les factures d’électricité. En 2022, selon une analyse de l’OCDE, la Grèce a alloué 4,87 % de son PIB aux mesures de soutien énergétique, soit la part la plus élevée parmi les 40 États membres de l’organisation.  

Au 1er semestre 2024, le pays profitait d’une conjoncture favorable, liée à la bonne production des énergies renouvelables et à la baisse des prix du gaz naturel, lui permettant de bénéficier de tarifs de l’énergie bien inférieurs à la moyenne européenne. 

Défis communs face à la transition énergétique

  • Garantir l’accès abordable à l’énergie 

 
La précarité énergétique est une problématique commune, même si elle est plus prononcée en Grèce. En France, près de 18 % des ménages ont du mal à payer leurs factures d’énergie, malgré les tarifs réglementés. En Grèce, ce chiffre atteint près de 50 %, principalement dû aux difficultés économiques du pays, soit la plus forte proportion de ménages au sein de l’Union européenne.  

 

  • Développer les énergies renouvelables 

 
Les deux pays partagent l’ambition de décarboner leur système énergétique en augmentant la part des énergies renouvelables.  

En France, l’infrastructure nucléaire robuste offre un avantage certain pour limiter les émissions de CO₂. Cependant, pour atteindre ses ambitions de neutralité carbone d’ici 2050, le pays doit accélérer le déploiement de solutions renouvelables. 

De son côté, la Grèce dispose d’un fort potentiel naturel pour le solaire et l’éolien, mais elle doit encore investir massivement dans ses infrastructures pour exploiter pleinement ces ressources. En janvier 2025, grâce au financement de la Commission européenne, la construction du premier parc éolien offshore du pays a été validée. Ce projet s’inscrit dans un plan ambitieux du gouvernement grec visant à installer environ 1 150 éoliennes dans les mers grecques, de la Crète aux îles Ioniennes. Cependant, les fluctuations économiques du pays restent un défi majeur pour le développement de ces technologies. 

Evolution de la capacité de production d'énergie renouvelable installée en Grèce (en GW) entre 2010 et 2023 (Statista)

Evolution de la capacité de production d'énergie renouvelable installée en Grèce (en GW) entre 2010 et 2023 (Statista) 

  • Moderniser les réseaux électriques 

 
L’intégration croissante des énergies renouvelables impose des réseaux électriques plus flexibles et intelligents 

En France, le déploiement à grande échelle des compteurs communicants Linky (électricité) et Gazpar (gaz) représente une avancée majeure. Ces dispositifs permettent d’optimiser la gestion de la demande énergétique et de mieux équilibrer la consommation et la production. L’un des défis actuels est de renforcer la résilience des réseaux pour faire face aux impacts du changement climatique. 

En Grèce, les défis sont encore plus marqués. Les coupures de courant sont fréquentes, notamment en été, lorsque les climatiseurs fonctionnent à pleine capacité, et en hiver, où les vents violents peuvent endommager les infrastructures électriques. De plus, le réseau est particulièrement fragmenté, en raison des nombreuses îles que comptent le pays. Pour ces zones, des solutions autonomes, comme les microgrids, sont envisagées pour garantir un approvisionnement plus stable et indépendant. 

Cependant, un frein majeur pour le pays réside dans le retard de déploiement des compteurs intelligents ou smart meters. Avec seulement 5 % des foyers équipés, la Grèce figure parmi les derniers de la classe en Europe, loin derrière la France, qui affiche un taux de déploiement de 95 %. La généralisation de ces compteurs pourrait pourtant jouer un rôle clé dans la modernisation du réseau et l’amélioration de sa fiabilité. 

Conclusion

La comparaison entre la France et la Grèce montre que les deux pays partagent des objectifs communs en matière de transition énergétique, même si leurs contextes et priorités politiques diffèrent.  

La France peut s’appuyer sur son parc nucléaire pour soutenir ses ambitions climatiques, bien qu’elle doive également relever le défi de l’intégration massive des renouvelables. La Grèce, quant à elle, doit surmonter sa dépendance au gaz et renforcer ses infrastructures, mais dispose d’atouts naturels importants pour développer des solutions renouvelables. 

Ces deux exemples illustrent la diversité des approches nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques européens. Une collaboration renforcée à ce niveau, combinant investissements, partage de technologies et alignement des politiques, est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques du continent. 

Datanumia, en tant que partenaire clé dans le secteur de l'énergie, se positionne comme un acteur de premier plan pour aider les fournisseurs d'énergie à relever ces défis. Notre offre résidentielle, Home, est la plateforme de suivi de consommation énergétique la plus complète du marché. Elle permet aux fournisseurs d'énergie d'accompagner les clients particuliers dans la compréhension et la maîtrise de leur consommation d'énergie, tout en contribuant à la réduction de leur empreinte carbone. 

 

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